Communes à facilités : Liesbeth Homans défie le Conseil d’Etat
L’annulation, vendredi, par la ministre flamande de l’Intérieur, Liesbeth Homans (NV-A), des décisions de cinq communes à facilités de la périphérie bruxelloise, visant à établir un registre communal reprenant les noms de leurs habitants francophones souhaitant recevoir, durant quatre ans, leurs documents administratifs en français, a suscité de très vives réactions. Parmi celles-ci, la “totale désapprobation” de Sophie Wilmès, ministre du Budget, partenaire fédérale de la N-VA, et… présidente des élus MR de la périphérie.
“Cette décision injuste du pouvoir régional ne peut pas influencer notre attitude au gouvernement fédéral, qui doit continuer à mener sa politique mais, par ailleurs, Mme Homans a manqué, là, une occasion de pacifier les relations entre les communes à facilités et la tutelle flamande. Nous devons attaquer cette annulation de la manière la plus efficace possible, poursuit Mme Wilmès : au Conseil d’Etat. Je réunis, mardi, le bureau du MR de la périphérie (les élus, ndlr) et nous espérons rallier à notre cause un maximum d’élus des communes à facilités. Les francophones étaient ici dans une démarche constructive, conclut la ministre fédérale, en appliquant le système mis en place par le Conseil d’Etat, ils avaient déjà fait une concession par rapport à l’application stricte des facilités.”
Mme Homans juge que la tenue de “registres linguistiques” est contraire à la Constitution, à la législation linguistique et aux circulaires flamandes (e.a. Peeters)
Qu’en est-il ?
Le 20 juin 2014, en même temps qu’il déboutait, une première fois depuis le scrutin de 2012, le député fédéral Damien Thiéry (MR) du mayorat de Linkebeek, le Conseil d’Etat précisait que l’interprétation préconisée par le gouvernement flamand de la circulaire Peeters (une démarche spécifique pour chaque document à recevoir en français) restreignait “de manière disproportionnée” les droits garantis par les lois linguistiques et était donc “contraire au droit”.
Le Conseil d’Etat a alors dégagé “le juste milieu” entre les thèses francophone (une demande une fois pour toutes, selon le prescrit des lois linguistiques) et flamande (démarches spécifiques répétées). Ajoutant : “l’autorité communale doit se référer à la connaissance qu’elle a de la langue du particulier (…) mais celui-ci doit porter son désir d’être servi en français à la connaissance de l’administration, à intervalle régulier raisonnable, (…) au moyen d’une lettre qu’il y dépose à cette fin. Ce choix s’applique pendant un délai raisonnable, à savoir une période de quatre ans.”
Un compromis entre… Di Rupo et De Wever
Pourquoi quatre ans ? “Un compromis intervenu lors de la 6è réforme de l’Etat, selon Nicolas Bonbled, professeur de droit public à l’Université de Louvain, entre la “note Di Rupo” (5ans) et la “note De Wever” (3ans)…
C’est cet arrêt du 20 juin 2014 que les cinq communes concernées ont appliqué à la lettre. Et pourtant…
Mme Homans évoque la tenue d’un “registre linguistique illégal”.
“La ministre, bondit Damien Thiéry, a beau faire référence à sa sacro-sainte ‘taalwetgeving’ et qualifier le registre de ‘taalregister’, ce n’est pas correct. Dans le cas présent, on ne parle pas de registre national, mentionnant le code linguistique des citoyens et auquel nous ne pouvons avoir accès. La ministre ignore ou dénigre une décision de la plus haute instance juridictionnelle du pays.”
M. Thiéry annonce, dès lors, un recours au Conseil d’Etat contre la décision ministérielle et lance un appel de ralliement aux autres bourgmestres concernés. Réponse positive, à ce stade, du bourgmestre MR de Wezembeek-Oppem, Frédéric Petit, qui nous glisse : “Lors de mon entretien avec le gouverneur du Brabant flamand, préalable à ma nomination, celui-ci m’avait demandé si je respecterais les arrêts du Conseil d’Etat. Ma réponse positive n’a pas empêché ma nomination…”
Le parti Défi a annoncé, de son côté, qu’il adresserait une plainte au Conseil de l’Europe. Parce que la décision de la ministre Homans “montre, une fois de plus, que la N-VA ne peut être considéré comme un parti démocratique lorsqu’il piétine les principes fondamentaux de l’Etat de droit et de la hiérarchie des normes.”
Problème : notre système institutionnel ne prévoit pas la hiérarchie des normes…
Michelle Lamensch