Les francophones ont joué le jeu de Bart De Wever
Oui, selon Dave Sinardet, politologue à l’Université d’Anvers, le “clarificateur” président de la N-VA a bien réussi sa manoeuvre pour recréer le front flamand: théâtraliser sa mission, attiser les passions via la presse, faire passer les francophones pour les mauvais et obliger les partis flamands à le suivre!
Hier, quand Bart De Wever est sorti du château de Laeken, il avait déjà réussi sa mission de remettre les autres partis flamands dans sa poche. Il lui restait à parfaire son rôle de victime pour continuer à séduire l’opinion flamande : “C’est devenu très difficile, mon enthousiasme est proche du néant. Notre bureau de parti a déjà été très critique par rapport aux concessions qu’il y avait dans cette note. BHV, l’impôt sur les sociétés qui ne s’y trouve pas, ou encore la santé. Si vous recevez un camouflet, votre enthousiasme pour repartir négocier avec les mêmes personnes est proche de zéro.”
Mais même en Flandre, ses manoeuvres ne trompent plus tout le monde car elles deviennent limpides. Il est assez facile, après plusieurs mois de représentation, de lire le jeu de Bart De Wever. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de parvenir à ses fins. Selon Dave Sinardet, l’attitude affectée de Bart De Wever hier soir n’était que de la comédie. “C’est clair qu’il maitrise très bien la communication, la rhétorique, et effectivement aussi la dramatisation. Il y a une certaine théâtralité dans tout cela. Mais du côté francophone aussi on aime beaucoup la théâtralisation. La réaction des partis francophones dimanche était aussi un peu théâtrale. On voit d’ailleurs que le ton a baissé depuis lors du côté francophone (même si ce matin sur Bel RTL, c’était le CD&V qui avait baissé le ton au contraire du PS, toujours aussi virulent, ndlr).”
Bart le metteur en scène
Ce faisant, les partis francophones ont joué le jeu médiatique de De Wever : “Dans la pièce de théâtre mise en scène par Bart De Wever, les partis francophones ont très bien joué le rôle que Bart De Wever leur avait attribué. Justement en réagissant de façon très virulente et négative à la note.” La stratégie cachée de la N-VA a porté ses fruits sur tous les tableaux: diaboliser les francophones dans l’opinion publique flamande et mettre au pas les autres partis flamands en leur proposant une note qu’ils ne pouvaient rejeter. “Quand on analyse la note de De Wever, on voit qu’il a fait de son mieux pour ne pas dépasser de ligne rouge pour les autres partis flamands. Il n’y a pas de scission des allocations de chômage, de l’impôt des sociétés, du droit du travail, il ne va pas plus loin sur les soins de santé. De l’autre côté, il a clairement et je crois consciemment dépassé quelques lignes rouges des francophones. Sur BHV, il repart de la proposition de Di Rupo mais il enlève quand même quelques éléments favorables aux francophones dans cette construction. Sur la loi de financement, clairement, ce n’est pas favorable pour le financement à long terme du niveau fédéral ni pour le financement à long terme de la Région wallonne. Donc effectivement il essayait d’avoir une réaction positive des partis flamands qui ne pouvaient pas dire non très clairement et fortement, et une réaction négative des francophones”, analysait le politologue flamand.
La polarisation nord-sud
“Le résultat, c’est à nouveau la polarisation, à nouveau le retour des fronts flamands et francophones, aussi dans la presse qui joue très bien dans cette stratégie aussi. Il a voulu sortir de son isolement où il était de plus en plus en Flandre”, concluait le politologue. En effet, la presse flamande a fustigé ce mardi le rejet francophone de la note De Wever. Laurette Onkelinx, ce matin sur Bel RTL, expliquait bien cette réaction par une “théâtralisation réalisée avec brio par Bart De Wever”. Elle explique que par rapport à celle-ci, la position des francophones “donne l’impression, dans ce théâtre antique, d’être une position de vilains qui n’acceptent pas”. “Déçu, le mot est faible. Je n’en ai pas dormi”, avait déclaré également lundi Bart De Wever. “Est-ce qu’il sait véritablement dormir quand il met sur la table une proposition qui est en réalité un fédéralisme de prospérité pour la Flandre et de précarité pour Bruxelles et la Wallonie ?”, s’est emportée Mme Onlelinx.
“Au lieu de rapprocher les points de vue il les a éloignés”
Lundi soir, après son entretien avec le Roi, Bart De Wever a déclaré que ses propositions respectaient les douze principes convenus préalablement entre les négociateurs. “Mensonge !”, clame Mme Onkelinx : “Il a essayé de faire un compromis entre des thèses extrémistes flamingantes et des thèses flamingantes, mais ce n’est pas ce que le Roi lui demandait, il lui demandait de rapprocher les points de vue entre francophones et Flamands. Il devait se mettre au-dessus de la mêlée mais n’a pas réussi.” Elle ajoute que le président de la N-VA avait même fait le contraire de la mission qui lui avait été confiée : “Au lieu de rapprocher les points de vue, il les a éloignés”.
Source : RTLINFO.BE