Subsides aux communes : la Flandre condamnée pour discriminations
C’est toute la politique de subventionnement des communes flamandes qui vient d’être annulée par la Cour constitutionnelle. Pour “discriminations injustifiées” et “entrave à l’autonomie communale” au préjudice des communes à facilités de la périphérie bruxelloise.
Le 18 mai, la Cour constitutionnelle a annulé le décret flamand du 3 juillet 2015 réorganisant la politique de subventionnement des communes. Elle juge que le nouveau système instaure une discrimination “non justifiée par des besoins légitimes” entre les six communes à facilités de la périphérie de Bruxelles, à (très) forte majorité francophone, et les autres communes de Flandre.
Le décret, toujours selon la Cour, réduit l’autonomie de gestion des “Six” en faisant transiter les fonds via l’ASBL “De Rand”, chargée de la promotion du caractère néerlandophone de la périphérie. Et non représentative des pouvoirs communaux : parmi son c.a., figure toujours un ex-conseiller communal Volksunie de Wezembeek-Oppem, Ivo Claesen, installé aujourd’hui au Limbourg.
La sanction de la Cour fait suite à un double recours, introduit par l’Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités et par un habitant de Kraainem s’estimant lésé dans ses droits culturels.
Concrétiser les priorités flamandes
Jusqu’en 2016, le financement des actions locales en matière de jeunesse, sport, culture, enseignement, intégration, lutte contre la pauvreté infantile et coopération au développement était régi par des décrets séparés. Toutes les communes flamandes étaient soumises au même régime.
En 2016, toutes ces matières ont été regroupées et sont désormais financées, de manière inconditionnelle et automatique, par le “Vlaamse Gemeentefonds”. Chaque année, les communes reçoivent un montant fixe calculé sur la base de ce qu’elles recevaient en 2014. Elles financent ainsi des initiatives locales sans devoir rendre de comptes sur la destination des fonds. Objectif : accroître l’autonomie communale. Toutes les communes ? Non…
Les six communes à facilités de la périphérie de Bruxelles sont maintenues dans l’ancien système : des demandes ponctuelles, par matière, soumises à des exigences politiques et administratives. Exemple : leurs bibliothèques doivent contenir 75% de publications en néerlandais, quelle que soit la part de leur population néerlandophone. Raison pour laquelle les communes à facilités sollicitent peu les subsides régionaux.
Pour s’assurer que des initiatives néerlandophones locales, en matière de jeunesse, sport et culture, soient bien financées, dans ces communes à facilités, le gouvernement flamand a décidé de faire transiter des fonds complémentaires via l’ASBL “De Rand”, une agence autonomisée externe de droit privé. Cette agence établit, en collaboration avec les organisations néerlandophones locales, représentées dans le Cultuurraad, un plan indiquant la façon dont les priorités flamandes seront concrétisées. Plan qu’ils adressent au gouvernement flamand aux fins de subsidiation.
“En tant que bourgmestre de Wezembeek-Oppem, explique Frédéric Petit (MR), je suis membre du Cultuurraad de ma commune, mais je suis ‘au balcon’, j’y vois ce que l’on octroie comme subsides aux différentes associations communales flamandes…”
700.000 euros qui échappent aux “Six”
Les six communes à facilités ne peuvent émarger au “Vlaamse Gemeentefonds”, réservé aux autres communes de Flandre.
Etonnant : les travaux préparatoires du décret de 2015 avaient pourtant prévu et calculé les montants dont les “Six” auraient bénéficié via le “Vlaams Gemeentefonds”. En tout, près de 700.000 euros, qui échappent donc aux communes concernées puisque cette hypothèse n’a pas été retenue par les auteurs du décret.
“Le choix d’organiser un subventionnement complémentaire (via “De Rand”, NDLR) dans les communes périphériques, tranche la Cour, ne permet pas de justifier l’exclusion de ces communes du financement forfaitaire des pouvoirs locaux (…) provenant du “Vlaams Gemeentefonds”.(…) En étant exclues d’une quote-part de cette dotation forfaitaire, les communes périphériques sont donc traitées différemment, sans qu’existe une justification raisonnable, dans l’exercice de l’autonomie locale reconnue à toutes les autres communes de la région de langue néerlandaise.”
La Cour maintient les effets du décret annulé jusqu’à l’adoption par le parlement flamand d’un nouveau décret et, au plus tard, jusqu’à la fin de l’année budgétaire 2018.
“Il sera intéressant de voir comment ‘ils’ vont s’y prendre, lâche, sceptique, Frédéric Petit, jouer le jeu et se conformer à la décision de la Cour ou inventer un nouveau tour de passe-passe tordu pour continuer à discriminer les habitants non néerlandophones…”
Rendez-vous en 2019.
Michelle Lamensch